mercredi 30 avril 2008

We call upon the author to explain


C’est l’histoire croisée d’une autoroute longue comme un été sans soleil, d’un petit garçon qui se demande pourquoi les gens l’appellent monsieur et d’une jeune fille d’Europe de l’Est qui hésite à se lancer dans l’industrie du cinéma pour adultes. D’abord l’autoroute, ou le chemin de croix version XXIe siècle, avec ses limitations de vitesse qui changent quatorze fois, ses camions en forme de couronnes d’épines et Ponce Pilate déguisé en pompiste. Pour aider à supporter le poids de la croix, le ciel a disposé un autoradio dans le carrosse et deux potes sur la banquette. Le petit garçon ne leur a pas demandé s’ils se demandaient aussi pourquoi les gens les appelaient monsieur.

Au bout de la quête, la rédemption, incarnée par les portes majestueuses du Casino de Paris.

Que la lumière soit.

Et la lumière fut.

S'il devait refaire la route à genoux, les yeux bandés et les mains liées dans le dos, il n'hésiterait pas une seconde.

Sur scène, il croit deviner chez cet Elvis spaghettisé (rrah, encore un mot qu’ils ont supprimé du dico) aux bras trop longs un autre petit garçon qui se demande pourquoi les gens l’appellent monsieur. Ce grand bonhomme s’en donne à cœur joie, bondit, jaillit, se calme, repart, interpelle son public, livre sur un plateau d’argent « The Knowledge », explose, se pose, éparpille, se plante, oublie ses paroles, jure, se reprend, sourit derrière la deuxième paire de sourcils qu’il a disposée sous son nez, s’empare de sa Telecaster (lui aussi…) et entraîne tout un Casino dans son délire scénique. Non, cet homme-là n’a pas cinquante balais. Au mieux, il a dix ans. C’est la première fois qu’il joue devant un public et il prend un putain de pied. Et son putain de pied, il le partage avec au moins une autre personne dans la salle. Parce que si on compte celui qui se démène sur l’estrade et l’autre qui le regarde de la fosse, la sueur dégoulinant dans la nuque, ça donne au moins deux petits garçons qui se demandent pourquoi les gens les appellent monsieur.

Il n'a pas demandé aux autres.

Sur le chemin du retour, le petit garçon de la fosse fait le décompte des choses qu’il lui reste à vivre avant de mourir. Ce matin, il y en avait cent. Maintenant, il ne lui en reste plus que nonante-neuf (parce qu’il est belge). Il peut rayer de sa liste « voir en live un enchaînement "We call upon the author – Get ready for love – Papa won’t leave you, Henry". De surcroît, il sait que l'autre petit garçon, celui de la scène, a remodelé l'ordre des chansons rien que pour lui.

Plus que nonante-neuf épisodes et il pourra dormir en paix. Il est quand même un peu triste en pensant à celles et ceux dont la liste compte toujours cent entrées. Il se console en se disant qu’au moins, ceux-là, ils ne sont pas prêts de lui claquer entre les doigts.

A ce stade, tu te demandes ce que vient faire dans cette histoire la jeune fille d’Europe de l’Est qui hésite à se lancer dans l’industrie du cinéma pour adultes. Le petit garçon s'est posé exactement la même question quand il l'a croisée dans ce snack parisien, en train de se faire embobiner par deux maquereaux.

Les gens qui écrivent ces histoires ont parfois des idées bizarres.

So we call upon the author to explain!

A regarder : quelques vidéos captées en mars à New York City (mais qui n'arrivent pas à la cheville du petit orteil de ce qu'était le concert du Casino).

Midnight Man


We Call Upon The Author



Stagger Lee



Les photos sont tirées d'une chouette chronique :
http://loindubresil.canalblog.com/archives/2008/04/30/9006226.html

Le site officiel : www.nickcaveandthebadseeds.com

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