samedi 10 novembre 2007

Si tu m'emmerdes, je te vends sur ebay

Après la Seconde Guerre mondiale, la Belgique a connu une des plus graves crises de son histoire, la fameuse "question royale". Pour nos amis d'outre-Quiévrain (et tous les autres aussi d'ailleurs), rappelons que cet épisode avait divisé le pays entre ceux qui étaient favorables et ceux qui étaient opposés au retour au pays du Roi Léopold III. Sous l'occupation, celui-ci s'était réfugié chez l'ennemi allemand pendant que ses sujets bouffaient du schrapnel, ce qui n'avait pas plu à tout le monde. Dans l'immédiat après-guerre, quand le royaume traversait une crise, la tradition consistait alors à descendre dans la rue, attaquer la voirie avec un bon outillage et balancer les précieux pavés ainsi récoltés sur le camp adverse. Dommage que la télévision ne fût pas encore suffisamment répandue pour en laisser une trace indélébile. Mais ceux qui ont la chance de compter encore des grands-parents de plus de 85 ans, si possible issus des milieux ouvriers, savent qu'à l'époque, la poésie s'écrivait au pavé. Comme le chante Sanseverino, à l'époque "on rentrait d'une manif les deux arcades ouvertes".

Soixante ans plus tard, la Belgique redécouvre ses vieux démons. On s'enfonce de crise en crise et chaque jour apporte son lot de déclarations à l'emporte pièce. Ceux qui osaient encore contredire la théorie de l'évolution en ont pour leur compte : en soixante printemps, l'Homo Belgicus a évolué. Aujourd'hui, quand son pays s'embourbe à cause des cervelas qu'il a élus cinq mois plus tôt, l'Homo Belgicus laisse le macadam tranquille. En 2007, quand il est fâché, le Belgicain de base sort son drapeau du grenier et le pend à son balcon (ou plutôt, il court en acheter un dans une boutique pour touristes). Ensuite, il lance des pétitions sur le net qu'il ira remettre ce 18 novembre à Bruxelles en faisant la fête toute la journée. Enfin, et c'est bien là le stade ultime de l'évolution, il liquide ses symboles sur ebay.

Il y a deux mois, un plaisantin avait mis en vente le Royaume de Belgique. Cette semaine, c'est Yves Leterme qui se retrouve au rabais sur le célèbre site de vente aux enchères. Le texte d'accompagnement précise l'état de l'objet : "Premier ministre n'ayant jamais servi. Que quelques kilomètres au compteur." On est bien d'accord, ça ne sert strictement à rien. D'ailleurs, le site s'empresse de retirer l'objet dès que le méfait commence à faire du bruit. Mais avouez que c'est drôle. J'imagine la réaction du principal intéressé, lui qui sait faire preuve de tant d'auto-dérision. Une capture d'écran est toujours visible ici.

Finalement, c'est peut-être ça le surréalisme à la belge. Le pays sombre, tout le monde se cabre et on trouve encore le moyen d'en rire. On milite de chez soi, en faisant le clown derrière son clavier et on balance connerie sur connerie sur le net.

Enfin, en guise de conclusion, je me permets de revenir quelques instants sur la marche pour l'unité, du 18 novembre prochain. J'ai publié (et je publie toujours d'ailleurs) sur ce site les liens pour signer les deux pétitions en cours, la première réclamant le maintien de l'unité de la Belgique, la seconde militant pour le maintien de la solidarité entre tous les Belges (la nuance est infime). J'ai relayé la semaine dernière un article du Pan qui dénonçait ce qui semble être un zeste d'ingérence politique derrière le mouvement "I want you for Belgium", à la base de la première pétition et organisateur de la manif de dimanche prochain. D'après le Pan, le mouvement bénéficierait du soutien logistique et financer du parti CDF (les Chrétiens Démocrates Francophones, devenus depuis peu les Chrétiens Démocrates Fédéraux), petit parti de droite catholique conservatrice et traditionnaliste.

Comme je l'avais déjà écrit, je ne suis pas allé vérifier la véracité des infos du Pan. Mais un nouvel élément a attiré mon attention ce matin : en tant que signataire de la pétition, j'ai reçu un email des organisateurs de la manif. Jusque là, rien d'anormal. Oui, mais le mail renvoie vers un site qui propose de s'inscrire à la manif en remplissant un formulaire en ligne. On y demande mon nom, mon adresse email, mon code postal, le nombre de personnes présentes, le moyen de transport utilisé, etc. La page précise qu'il s'agit de "prévoir votre sécurité et n'engage a rien." Or, on n'y trouve aucune mention de l'utilisation qui va être faite de ces données, ni la petite case habituelle à cocher sur la protection de la vie privée.

Pour avoir déjà usé mes semelles sur quelques manifs, je ne me souviens pas qu'on m'ait jamais demandé de m'inscrire à l'avance, ni même de donner mes coordonnées, sans même savoir à qui je m'adresse. Je vire peut-être parano, mais il me semble que le mouvement est en train de perdre de plus en plus de sa crédibilité. Conclusion : je ne manifesterai pas ce 18 novembre à Bruxelles. Je continuerai à militer derrière mon écran, bien au chaud dans mes pantoufles doublées en fausse laine de mouton.

Par contre, puisqu'il est bon de se mobiliser pour les grandes causes, je vous rappelle que le 8 décembre prochain sera la journée internationale de mobilisation contre les changements climatiques. Ici, on ne manifestera pas seulement pour dire qu'on est contre le réchauffement de la planète, mais surtout pour demander à nos représentants de prendre enfin l'environnement en considération dans l'élaboration d'un éventuel futur gouvernement. Je sais, on n'y est pas encore, mais bon, ce sera sympa...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire